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En me regardant, la première chose que l'on pense est que je suis doux et calme. C'est un masque que je porte. Un masque qui est en place depuis de longues années et que j'ai accepté de porter avec plaisir. Ce masque est la paix intérieure que je cherche. Malheureusement, cette paix m'a été arrachée en devenant un loup. Je ressens cette violence dans mes tripes, monter en grondements sourds jusqu'à ma gorge. Je la sens et elle me plait. Mais je sais que je ne dois pas la laisser m'échapper. Ma violence, ma bestialité que Dieu m'a envoyée, doit être asservie à mes actes et non pas l'inverse. Une erreur que commettent bon nombre de loups... Il confondent instinct et nécessité.
Enfin, je parlerais pendant des heures de la nécessité et de la fatalité mais ce n'est pas le sujet.
Parmi le monde obscur, je suis une rareté. Plus que croire en Dieu comme la plupart de mes contemporains, croyance qui ne pèse ni ne pose, je pense que j'ai la Foi. J'ai même voulu être prêtre... Mais il faut croire que Dieu avait d'autres desseins pour moi. Qu'Il dévoilera à mon regard quand il me jugera prêt. D'où ma situation de lycan soumis en passant. C'est un terme étrange, non? Pour moi ce n'est pas de la soumission, c'est une acceptation d'une nécessité.
Allons bon, je recommence.
Une petite chose que certains trouvent charmant et d'autres agaçant. Mes années au monastère m'ont donné une très grande facilité en latin. Je continue à ponctuer mes paroles de citations des grands auteurs. Une manie... mais je crois surtout que j'aime voir le visage de mon interlocuteur quand il ne comprend pas.

On ne peut pas être parfait...

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Difficile exercice que de se décrire soi-même...
Soit on s'encense par vanité, soit on se dénigre par timidité. Mais j'accepte le défi.
Je mesure cinq pieds sept pouces, ce qui est une taille moyenne. J'avoue que cela m'arrange puisque je me fond aisément dans la foule. Même si mes années au monastère ne l'avaient pas prévu, je suis assez fin, pas maigre... mais il me manque toujours quelques livres pour avoir l'air bien portant. A coté de ça, mes muscles sont taillés idéalement. Après tout, je suis un loup. Aussi, il est normal que j'ai la musculature d'un animal de proie: des muscles solides mais sans excès. Je me rappelle cependant que durant mon noviciat, j'étais un peu plus tendre. Sans doute était-ce du à l'enfance plus qu'à la mollesse.
Comme les bons pères me destinaient au scriptorium, j'ai gardé les mains fines et les doigts longs d'un enlumineur. Mon visage est resté assez enfantin, pourrait-on dire. Je peux me rajeunir, mais pas me vieillir. Dommage... On met souvent en doute la sagesse de mes paroles à cause de cette apparence. J'ai les yeux gris mais on m'a dit qu'ils devenaient d'un bleu de glace quand je prend mon autre forme. J'ai aussi les cheveux noirs comme le charbon. Pour mon teint de peau... Je suis sortie du monastère blanc comme de la craie. Mais ça s'est amélioré. Je ne suis pas encore aussi brun qu'un sicilien mais je fais déjà plus italien et moins moine. c'est plus facile pour les fonctions que je peux occuper.
Pour le reste... C'est à l'appréciation de celui qui me regarde. J'ai l'air humain quand je suis humain et loup-garou quand je suis transformé. Ça me suffit.

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Je suis né le 17 avril 1477, de Girolamo et Assunta Caligieri, famille marchande de Florence dont je suis _ j'étais? _ le cinquième fils. Mes parents n'étaient pas riches et ma mère, sainte créature et très pieuse femme, trouva la solution de me donner en oblation au monastère de San Marco, pour mon salut et pour le leur. J'ai déjà dit ce qu'on m'y a enseigné. Le répéter serait de trop.
Non, ce qui a été marquant durant mon noviciat fut la venue de Fra Hyeronimus. Ce moine, en rupture de couvent, avait été envoyé chez nous pour le calmer un peu. Mais je crois que nul ne comprit à quel point cet homme était dangereux. Moi? Non plus... J'étais trop jeune pour ne pas le prendre pour autre chose qu'un fou. Mais il me déplaisait au plus haut point et je me défie des grands élans mystiques. La plupart du temps, ce n'est que déraison ou pire... Ambition. J'ignore ou ranger Fra Hyéronimus, mais certainement pas dans le camp de la vérité. Mon hostilité à son égard fut la cause de tout ce qui s'ensuivit. On me refusa la possibilité de prononcer mes vœux et je finis par être chassé du monastère à l'âge de dix-neuf ans.
La raison en était simple. Ce que Fra Hyéronimus avait fait de Florence me terrorisait: une Théocratie à la concurrence de celle du Saint Père. L'un des rares points sur lesquels j'étais d'accord avec lui était que la majorité du clergé, de guides et de bergers, s'était transformé en marchands du temple, monnayant la grâce et l'absolution. Mais contrairement à lui, ce n'était pas pour moi la preuve de la décadence de la société florentine mais bien le constat de notre incapacité à rassurer, à guider et à protéger nos ouailles. Mettre sur le compte du peuple nos propres errements m'apparait encore aujourd'hui comme la plus noire ingratitude. Mais peut-être est-ce un effet de ma transformation...
Je m'égare, pardon.
Ce qui a motivé mon renvoi, ce fut mon refus de participer au bûcher des vanités de cette nuit là... Vous connaissez le principe? Le peuple se lave de ses errements en faisant brûler ce qui a trait à la vanité, miroirs, soieries... Celui-là était particulier puisque Fra Hyéronimus avait décidé d'en brûler bien plus. Y compris les livres et les œuvres des hommes. Je n'ai pas aimé. Je l'ai dit. On m'a jeté dehors.
Sans ça, je n'aurais jamais rencontré mon destin. J'étais seul, amer et je voyageais entre les bûchers pour sauver les rares choses qui le pouvaient encore être. C'est là que je fus attaqué et mordu. Et oui, la nuit du bûcher était aussi une nuit de pleine lune.
Évidement, on peut se demander pourquoi moi? Je vous rappelle qu'à cette époque je n'étais qu'un novice défroqué. Je pense que pour lui, mon créateur, c'était un hasard. Pour moi, ce fut une renaissance. Il m'a donné les armes pour arrêter l'irrésistible ascension de Hyéronimus Savonarola. Je passerais les détails... J'ai brûlé cette vanité là en même temps que j'ai allumé son propre bûcher.
J'ai un premier maître vampire. Giulio. C'était un homme bon, à sa façon et c'est lui qui m'a enseigné tout ce que le monastère n'aurait pu m'apprendre. Après, tout, je devais lui servir de garde de corps en même temps que secrétaire. Il m'a appris à me battre et à gérer une bataille. Il faut dire que mon autre apparence n'est pas celle d'un petit chien de salon. Mon premier maitre me disait souvent qu'il faut savoir user de ce que l'on a. Il avait tout à fait raison. Il est inutile de vouloir d'autres armes que celles qu'on a déjà. C'est lui aussi qui m'a amené à considérer un autre métier qu'auparavant je trouvais ignoble. Par pure ignorance, entendons-nous bien. Beaucoup de personnes dénigrent et vouent aux gémonies les assassins. C'est une erreur. Un assassin n'est jamais qu'une arme, parfaitement aiguisé... Entre nous, allez-vous reprocher à votre dague d'avoir tué votre ami, ou allez-vous le reprocher à la personne qui a voulu tuer? Oh, évidement, dans les premiers temps, j'ai été un assassin effroyable. Mais la pratique venant...
Malgré sa nature vampirique, mon maitre ne m'a jamais considéré comme autre chose qu'un outil ou un chien de chasse... Cela a considérablement simplifié nos rapports. J'avoue avoir plusieurs fois voulu comme ami, mais... Je m’aperçois à quel point cela aurait pu être dangereux pour nous deux.
Je regrette très sincèrement Giulio. C'était un très bon maitre. Mais son heure devait venir. Et comme la majorité de ses biens, j'ai été revendu.

C'est pour cela que je suis devant vous, maintenant...

Vous avez vu quel serviteur je peux être... Mais laissez-moi vous poser une seule question:

Serez-vous un bon maitre pour moi?