---

Fougueuse de nature, elle vit toujours sa vie comme elle l’entend, prédatrice elle aime chasser, cependant, c’est l’animal qu’elle traque et non l’humain. Blessée dans l’âme lors de sa mutation, elle lutte contre elle-même pour d’une part recouvrer la mémoire et ensuite contre ses pulsions de buveur de sang, et même si il lui est arrivé de céder à cet instinct, ce fut le plus par défense, que par attaque !

Elle vit le plus souvent recluse dans son manoir, se privant elle-même de vie, alors qu’elle fut tuée presque cent ans avant, mais à court de pensées, elle œuvre sans cesse, pour retrouver ces bribes terrifiantes du passé enfoui en elle ! Lucrezia sans nom, ni réelle patrie, en quête de l’être responsable d’un état de fait irréversible…

Elle se punit elle-même en se privant de cette sacro sainte liberté, mais elle sait beaucoup de choses depuis chez elle, le moindre passant dévoilant ses pensées, ses émotions, alors qu'elle est cachée derrière ses rideaux, elle souffre parfois de ces frissons pressant sa poitrine, alors que froide comme la mort, elle est censée avoir perdu tout sentiment !

Dégoûtée d’elle-même, elle se terre en dinant de rats ou de chats errants, évitant le simple mortel pour ne pas causer à autrui ce qui fut sa perte première, elle allait vivre une éternité, mais… L’avait elle seulement demandé ?

---

1 m 70, une parfaite beauté, de celles que les peintres les plus réputés savent exposer… La grâce qui l’habite, n’a d’égale que la douceur qu’elle offre à ces rares visiteurs, ou connaissances ! Elle a gagné le ticket jeunesse, celui de garder ses 28 ans pour l’éternité, comme un fardeau imposant de douleurs et d’horreurs !

Sa chevelure soyeuse n’a jamais perdu son éclat, dessinant des reflets châtains clairs, allant jusqu’au roux, elle affiche une taille fine et des yeux verts pigmentés de bleu… Le carmin de ses lèvres semble abrité encore la vie, mais il cache les canines voraces qui la savent ôter. Cruel châtiment que de se voir infliger à elle-même, ce statut sanglant de tueur, en présentant la toile délicate d’une presque enfant au visage d’un ange !

Lou garde depuis ces nombreuses années, tissus et soieries que contenaient ces armoires, tout comme les lieux perdus dans l’oubli, elle y vit, comme pour retrouver son histoire. Les tenues sont somptueuses, de bonne facture et de qualité, brodées aux initiales L et G, Lucrezia paraissait sur bon nombre de livres et c’est ainsi qu’elle garda le prénom, cependant le G, restant un mystère, et sentant une attirance particulière pour la ville de Gênes qu’elle a trouvé sur certains récits, elle prit Genovese pour patronyme, sans savoir s’il s’agissait du sien ! La belle n’avait besoin de rien, la richesse qui habillait ces lieux, avait su faire d’elle, une riche héritière, d’on ne sait où, ni de qui elle avait eut fortune !!!

---

1763, c’est ici que tout commence et évidemment, ici aussi que tout fini !
La nuit hante les esprits et le sien en est envahit, les yeux fermés, elle sent une force la retenir à terre, pour lui faire mordre une chaire qui vient lui faire offrande d’un liquide gluant et étonnement bon… Le genre que l’on ne pourrait se passer ! Un vertige s’installe comme un vent de tempête, dévorant sa tête et lui coupant les jambes, jusqu’à la faire sombrer à nouveau dans les méandres inexpliqués d’un côté obscur, allongée devant l’âtre qui ne la réchauffait plus… Ne voyant personne et ne sentant qu’un parfum particulier et étrange, une odeur qu’elle n’oublierait sans doute jamais, mais qu’elle avait, pour l’heure, beaucoup de mal à identifier. Ses deux prunelles vertes se recouvertes de ses paupières, et ses mains cachant ses oreilles, elle percevait le moindre bruit comme si celui-ci était assourdissant !

Le froid glissait profondément en elle, parcourant ses veines jusqu’à tordre son cœur, et la glacer telle la mort venant l’envelopper de ses bras d’hiver. C’est ainsi qu’après un long moment à gémir de ces souffrances incompréhensibles, la rousse croit qu’elle va basculer dans le monde des morts… En ouvrant les yeux, elle est allongée sur un parterre de marbre, la porte d’entrée claque et elle n’a ni la force, ni le temps de voir de qui il s’agit… Là, autour d’elle, des tentures de qualité, des toiles de maître sans aucun doute et une bibliothèque imposante qui habille un pan de mur entier !

De ses yeux verts, elle balaye la pièce, un liquide pourpre et presque gluant vient coller ses cheveux à ce sol briqué, et plus loin sur le divan de velours rouge, un couple se tient la main, tête en arrière et cou dévoré ! Qui étaient ils ? Dieu seul le savait et ceux qui étaient responsable de cette situation… Pour l’heure, son esprit tentait de s’éveiller de cet étrange et horrible cauchemar. En elle, tout encore semblait se tordre, prête à s’effondrer et mourir sans comprendre ce qui lui arrivait, mais se poussant elle-même à contre carrer les plans du passeur, elle se redresse, se tenant au fauteuil à bascule, avant de se retrouver face à la cheminée, où un grand miroir reflétait l’ensemble de la pièce comme un tableau figé, où elle trouvait un visage inconnu, qui la contemplait fixement, le sien ! Sur le moment, elle ne réagissait pas trop, heureuse qu’elle était de ne sentir moins la douleur, mais le silence qui était en son esprit, l’envahit de plus belle, la laissant ivre et désorientée, dans ce désordre présent en sa tête !

Le ciel s’assombrissait d’un bleu nuit magnifique, à travers les vitraux d’une fenêtre brisée, et de par ces lampadaires  aux bougies sous verres, quelques faisceaux de lumière artificielle, venaient se faire une place divine dans cette pièce que la mort avait visité. Cette vision cadavérique lui devait arracher un cri, mais ce fut sans doute la peur qui la fit taire, serrant sa gorge fortement, comme si le ou la tueuse, pouvaient l’entendre. Le jour venait de se coucher, et elle n'y avait prêté aucune attentionn fraîche comme à peine levée, sans sommeil dans les yeux.

Il faut sans doute du temps pour réaliser ce qu’il peu se passer, et elle doit trouver une échappatoire pour reprendre ses esprits… Lentement, la belle rousse qui avait glissé jusqu’à la cheminée, empoigne un tisonnier et appuyée au fauteuil à bascule, se redresse tant bien que mal les entrailles en feu, mais cependant, aussi silencieuse qu’un mort ! Ce n’est pas sans peur qu’elle visite la bâtisse, mais c’est ainsi néanmoins qu’elle se rend compte que seule avec les deux défunts massacrés au rez-de-chaussée, le manoir ne contient aucun autre visiteur !


La maisonnée n’est pas dans le centre ville, mais dans le quartier historique de celle ci, celle posée sur la terre ferme... un beau jardin fleurit et parfumé, s’étale à l’arrière de celle ci, tout comme deux beaux arbres soulignant de leurs ombres les fleurs, décoraient les grilles forgées. Si l’on aurait cru que l’endroit fut petit, il ne l’était qu’en apparence, les pièces étaient agréablement proportionnées du premier au grenier, et rien n’aurait laissé croire que les lieux furent lugubres, sauf peut être ce semblant de cave apparenté au cachot bas de la prison des plombs, créé dans les combles et où l’on ne pouvait y entrer qu’en courbant fortement l’échine !

Tout en visitant, et sans doute actionnées par l’esprit qui se rebellait, des douleurs la faisaient parfois prendre appui pour ne point tomber, décidée cependant à aller plus loin dans sa quête, elle continuait à avancer... Mais personne n’était là et tout dehors lui paraissait suspect… Si elle venait à crier, qui lui aurait assuré que l’assassin ne s’empresse de répondre à l’appel ? Pour un tel crime, les voisins auraient dû entendre, pourquoi donc n’étaient ils intervenus ? A moins qu’ils ne furent eux-mêmes les instigateurs, ou les participants à ce jeu de massacre ! Et pourquoi donc ne l’avait on tué elle aussi ? Autant de questions restées sans réponses, que de réponses sans questions !

Au premier étage, une chambre magnifique, décorée d’un goût exquis, ornée de quelques gravures dorées, et d’un tableau en particulier qui ressemblait à… ce visage vu dans le miroir en bas, des traits devenant peu à peu, familiers, et pourtant dont un nom qui échappait à sa mémoire, tout comme celui qu’elle devait porter ! La grande armoire contenait de luxueux habits, des dentelles et des verreries, et chaque pièce contenue, devait à elle seule valoir une fortune ! En refermant la porte du meuble de qualité, le miroir lui rendait l'image de la pièce dans laquelle elle se voyait d’une pâleur étrangement belle, la frayeur aurait dû la saisir, cependant cela ne fit qu'augmenter le nombre de questions !

La robe du tableau était identique à celle qu’elle portait, jusqu'à la broche dorée représentant un " L " qu'elle retrouve un peu partout ici, elle était donc la maîtresse des lieux, ou du moins de cette chambre, ici elle trouverait peut être les réponses recherchées... Malgré les souffrances qui l’avaient brûlé, et de façon étrange, elle n’était préoccupée que par ces souvenirs effacés, et la rousse après avoir fermé les portes à double tour, identifiant cet endroit comme étant le sien, décida de lire, et que tout y passerait, livres imprimés et écritures, jusqu’à un intime journal aux reliures dorées, qui abritait quelques lignes et des pages arrachées. Juste quelques mots qui épelaient le prénom qu’elle se donnait depuis à porter … … « Lucrezia » !

Sur l’un des tableaux, une figure qui semblait emblématique portait la signature de « Genovese ». Le patronyme était charmant à porter, se disait elle, en attendant de se souvenir de celui qui était le sien véritable ! Si on venait la quémander, il faudrait qu’elle puisse répondre… Mais qui viendrait ? Tremblante, elle déglutit et va vérifier une nouvelle fois toutes les portes…

Les yeux fatigués de courir les papiers divers, toujours les promenant par ci et par là, la demoiselle… la dame ? Ca aussi elle l’avait oublié d’ailleurs, avait put constater que le pseudo de « la louve » était cité bon nombre de fois, comme si celui-ci ne parlait que d’elle. Peut importait à présent, qui elle était réellement, elle désirait juste comprendre ce qu’il s’était passé et dans son fort intérieur, bien entendu, en trouvant qui était responsable, elle saurait qui elle était, tout devait être certainement lié !

Et soudain, une autre pensée vint la titiller, que faire des deux cadavres ? N’allait on pas les chercher ? Ils étaient peut être de sa famille ? Un père et une mère ? Des gens de maison ? Comment savoir ? Rien d’autre ne donnait d’indices, deux chambres semblaient inhabitées, et en bas, la dernière était d’une sobriété inquiétante, un crucifix brisé, des papiers brûlés et un lit à peine défait !

Dans cette somptueuse bibliothèque, qu’elle avait précédemment quitté, elle dû à nouveau entrer, et là, les corps avaient disparus, partis, n’étaient ils pas morts ? Emportés où peut être déplacés ? Pas de bruit, rien de vivant, la rousse ne s’était éclipsée uelques instants, que pouvait il s’être ici passé ? A présent c’était ces deux là qu’elle cherchait, ou plutôt ceux qui pouvaient les avoir pris, mais en vain, la lourde porte de chêne était entrouverte, une trainée sanguinolente guidait ses pas jusque dehors, et disparaissaient sur le perron comme soulevés du sol, la belle refermait à nouveau cette porte qui n'avait pas été forcée ! Pas forcée, que voici une énigme nouvelle !

Depuis ce jour unique, c’est enfermée qu’elle va renaitre !
Renaitre est un bien grand mot, aucune faim ne venait tenailler son ventre, si ce n’est cette soif, comme une révolution en elle, notre Damoiselle se bat contre des pulsions dont elle ne comprend rien… Car s’il n’y a plus cette sensation de faim, c’est une soif inconditionnelle qui la tiraille, et la fait relever ses narines pour chercher partout dans la maisonnée ce qui serait à son goût… Pour enfin finir à genouillée, entre les cageots de vins muscadés, et mordre un rat à pleine dents, dans les combles où de toute évidence on avait construit une sorte de cave à plafond bas !

Le diable l’habitait donc ? Que soudain elle était avec cet animal à se repaitre de son sang ! Lucifer l’avait condamné, alors qu’elle ignorait le crime qu’elle devait avoir commit avant de perdre ses souvenirs !! Aucune larme ne venait ternir ce beau regard vert, écœurée cependant qu’elle était d’avoir presque dévoré cette bestiole répugnante.

C’est l'esprit confus, vidée de bien de mots et d'images, qu’elle décida enfin de remonter dans sa chambre et se laver, pour se rafraichir et nettoyer ce sang qui recouvrait son cou jusqu’à son sein ! Propre, elle enfila une chemise de nuit, ferma tous les volets et s’allongea dans le lit immaculé ! Voici que commença l’une de ses premières nuits, qu’elle croyait avoir en repos, sauf que ses paupières ne se fermèrent qu’au petit matin et cela chaque jour pendant une centaine d’années depuis ! Avait-elle compris ce qu’il lui était arrivé ? A vrai dire, elle le su bien plus tard, puisque le vide qui régnait dans sa tête avait dominé les instants de sa vie.

Chaque nuit elle s'instruit, et sa première lecture du lendemain, dans ce salon, elle prend le temps de s'informer des livres et bibles diverses, pour trouver des explications plausibles à ce qu’il lui arrivait et l’un de ces bouquins lui dévoilent une bien curieuse légende…

Citation :

Dans le Talmud et la tradition kabbalistique, Lilith est décrite comme la première femme d'Adam, celle qu'il aurait eue avant Eve. Créée comme lui à partir de la terre et non pas tirée de sa côte (son côté), Lilith se serait considérée comme son égale. Selon la tradition kabbalistique toujours, elle se serait disputée de plus en plus fréquemment avec Adam et aurait fini par s'enfuir en colère en prononçant le nom interdit de Dieu.
Elle se serait ainsi rebellée contre Dieu et Adam et, choisissant de devenir un démon, elle aurait épousé Samaël (un ange luciférien). Dès lors, elle devient l'ennemie de la nouvelle épouse d'Adam, Eve, et l'instigatrice des amours illégitimes, la perturbatrice du lit conjugal et la meurtrière des petits enfants dont on dit qu'elle les dévore à l'image de sa jalousie dévorante.

Dépeinte comme une tentatrice dévorante, elle est démon sanguinaire, à l’image de celle qu’elle croit être en cet instant ! Et c’est dans cet esprit qu’elle sort aux lumières du soir, parée comme à un bal, tisonnier à la main lui servant de canne élégante, pour recueillir plus d’informations qu’elle n’aurait pu jamais en avoir sur ces livres !

C’est ainsi qu’elle apprend quelques ragots sur la politique du royaume, la grandeur des uns, ou la pauvreté des autres ! En passant par les démons, les lycans, les mortels et ceux qu’elle reconnait être comme elle, sous l’emprise d’un sang étancheur de soif, même si ceux ci devaient pour laisser passer leurs pensées, être sans aucun doute de jeunes immortels. Comment aurait elle pu le deviner ? Puisqu'elle même ignorait tout !

Au début, elle croyait que ce qu’elle entendait était murmuré, puis elle a cru qu’elle était devenue folle, mais au fil du temps, en s’approchant de certains, la constatation était toute autre, cela venait de leurs pensées, jusqu’à peu à peu s’imprégner et gérer ce genre de situations, aussi diverses que déroutantes, car si elle pouvait entendre, d'autres pourraient peut être écouter les siennes.

1789 alors que l’incendie du théâtre déstabilise certains, Lucrezia tente de se glisser entre les mailles et percer quelques secrets, sans réellement se rendre compte que 26 ans s’étaient écoulés et que le temps n’avait laissé aucune trace sur elle… Rien n’aurait pu le lui dévoiler, puis qu’aucun miroir ne la reflétait, et qu’elle ne recevait personne chez elle !

1797 trente quatre ans et le temps passe, c’est la fin de la République de Venise.et une autre histoire sans doute qui va naitre, tout comme elle avait été obligée de le faire ces années plus tôt ! La belle se fond dans la masse, tout en se faisant des plus discrète, elle est tout le monde et personne, aucun ami, aucun amant, la peur de les dévorer la saisissant à tout moment, comme si elle était la maladie contagieuse qu’elle voulait éviter de transmettre.

1798 En temps de guerre, alors que les Autrichiens s’imposent et investissent les maisons, elle savoure cette fois sans fausse pudeur l’humain dominant, ou plutôt croyant l’être, jusqu’à s’en garder quelques domestiques intéressants à son service.


1805 La terre sur pilotis change de mains, et telle une louve prédatrice, elle change de menu au diner… comme à chaque passation de pouvoir, qui la rend plus forte de jour en jour, dépassant son dégoût et dévorant plus que saignant, ces pauvres bougres qui s’invitent dans sa maison. 1832 l'Opéra ne fera aucune représentation durant longtemps, l’incendie à tout détruit. Les bouleversements de cette Sérénissime affectent les citoyens, laissant pénétrer sur ses terres, une vague d'Immortels étrangers au caractère dominant. Et les exécutions qui s’enchainent au cours des nuits, font s’enfermer peu à peu la louve vampirique qui se sent moins en sécurité dehors que dedans...

1866 De nouveau italienne, et donc comme lors de sa renaissance noyée dans le néant de souvenirs absents, Lou décide de se nourrir à nouveau de bêtes, laissant humains et autres vivre leur sort au gré de leur vie ! C’est ainsi que cent ans plus tard, ignorant toujours ce qui s’était passé, ni la réalité de la vie nocturne ou diurne qui se déroulait autour de sa maison, sans trouver la moindre trace de ceux qui auraient causé cette malédiction sous son toit, ni même retrouver les corps des deux cadavres sans nom qui trônaient sur son divan, elle avait continué à vivre comme si de rien était ou presque, jusqu’à cette année de grâce 1867 où elle enquête toujours au nom de sa vérité, mais recluse chez elle à écouter les pensées de ces milliers de personnes passant devant chez elle...

Qui sait si finalement un jour la vérité viendra à elle !