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Taddeo est amnésique. Il n'a aucun souvenir de son passé avant la nuit où il s'est retrouvé au fond de l'eau vénitienne. La seule chose qui soit assez ancrée en lui, c'est son nom, Taddeo Monçada. Rien d'autre ne perce. De fait, il commence sa vie. Il n'est pas conscient qu'il est un lycan, n'est même pas interessé par son état, son âge ou quoi que ce soit. Il a accepté les instincts en lui lors de son éveil "sous-marin" comme son état naturel.

C'est donc une bête, un prédateur avec un nom. Le frisson de la chasse lui plaît, le stimule, la lutte pour la survie aussi. Il vit au moment présent, considérant le passé comme mort et le futur comme une épreuve à venir et à surmonter. L'instinct est sa base de survie, toute autre distraction de l'esprit lui semblerait futile. Il serait vain de lui proposer de l'argent, des vêtements, des pouvoirs temporels. Il n'en verrait jamais l'utilité, préfèrant s'éloigner d'outils complexes qu'il ne maîtriserait pas alors qu'il semble déjà bien maîtriser l'art de la prédation. Néanmoins il peut être une bête mais pas un monstre. Tuer est facile mais il pense que cela doit être utile et jamais une distraction. Cette nuance dans la perception de ses proies peut, selon lui, le préserver d'une déchéance. S'il aime jouer avec ses proies, il n'en reste pas moins loin d'un monstre. Une proie est un jouet, point barre.

Cette simplicité dans la façon de penser en fait quelqu'un d'imprévisible, de facilement manipulable, de dangereux, comme tout prédateur. Le fait qu'il ne sache même pas ce qu'il est, qui il est le perturbe mais un vrai animal ne se laisserait pas démonter par des concepts absurdes comme le fait de s'interroger sur soi-même. Bien qu'il sache ne pas en être tout à fait un, il se dit préférer être une bête qu'un monstre. Et il saurait parfaitement défendre son point de vue s'il devait avoir à le faire.

Alors Taddeo n'est qu'un animal ? Pas que. Être tel le loup ne veut pas dire qu'il ne saurait être civilisé ou urbain, ni même qu'il passe son temps à grogner, à pisser sur des poteaux et à se gratter l'oreille avec son pied droit. Bien au contraire, il saurait se tenir en compagnie d'autres gens mais les verrait toujours sous sa vision prédatrice : proie, ami/ennemi, danger. Simplicité jusque dans les rapports sociaux, Taddeo reste un jeune lycan qui s'est fait à sa condition mais qui ne sait ni d'où il vient, ni ce qu'il a pu être avant le canal et la pleine lune.

Sautant de toits en toits, bondissant de proie en proie, Taddeo chasse, griffe, mord et cherche à comprendre.

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Taddeo s'est réveillé au fond d'un canal. Il était vêtu d'une chemise et d'un pantalon de cuir en lambeaux tous les deux, déchirés sous la force de quelque monstre ou bien sous les efforts passés pour s'en défaire. Il n'avait plus rien à se mettre, aussi, pendant un temps, erra-t-il nu dans son quartier. Sa première proie réduite en bouillie, il ne pouvait prendre ses vêtements. Au hasard de ses errances, il tomba sur une simple tunique de cuir qui traînait par là. Elle lui arrive jusqu'au genoux et lui permet de se déplacer avec aisance.

Physiquement, Taddeo est trapu, à force de se déplacer accroupi, plus à l'aise et plus rapide à quatre pattes que debout bien droit. Toutefois il peut absolument se déplacer normalement quand la situation l'exige. Sa musculature est développée et semble dater d'avant son éveil mais un mois de vie de chasseur urbain dans les nuits vénitiennes y asûrement contribué.

De visage, on distingue sumplement, derrière une masse de cheveux embrouillés, des yeux froids qui regardent, ou plutôt fixent, chaque détail du monde alentour avec une détermination. Son visage est pâle, sa bouche semble toujours prête à s'ouvrir pour mordre et de tout son être émane une tension permanente, comme celle d'un animal sur la défensive.

De l'intérieur comme de l'extérieur, Taddeo se montre tel qu'il se voit : en animal prédateur.

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Une histoire ? Pour Taddeo, elle se résume tout bêtement à son simple nom.

Au fond du gouffre
Toute sa vie commence par une sensation de flottement, de légèreté en même temps que de lourdeur, une impression de tomber dans le noir. Taddeo ouvrit les yeux et ne vit rien. Juste le trouble, l'écume, les bulles qui sortaient de son nez et remontaient à la surface, des choses visqueuses sous ses pieds et d'autres qui se frottaient à son visage et surtout, surtout, l'affreuse impression qui réveille la panique dans chaque être dont la vie parcourt les veines : la sensation d'étouffer. Réalisant subitement qu'il était bel et bien au fond de l'eau, il paniqua. Bien peu de gens dans sa situation n'auraient pas souffert de la désorientation. Tous, cependant, auraient eu la même réaction : remonter à la surface. Jouant des bras, des mains, de la tête, il s'agitait vers le haut, paniqué par le manque d'air dans ses poumons. Enfin la surface se distingua au milieu des ombres inquiètantes des profondeurs de l'eau. Une belle pleine lune semblait l'appeler, le tirer vers elle pour le sauver. Enfin il sortit sa tête de l'eau et cracha celle qui s'était malsainement insinué en lui. Après quoi une grande inspiration, une main sur les yeux pour les sècher un tant soi peu et enfin un regard autour de soi.

Il était dans un canal. des deux côtés du canal il y avait un mur de pierres et au dessus de hautes maisons aux volets clos. Première réaction, s'y accrocher pour cesser de se maintenir par le mouvement de bras et de jambes. C'est ce que fit Taddeo. Une fois collé au mur vint le temps des questions : comment était-il arrivé là ? Pourquoi était-il au fond de l'eau ? Quel était cet endroit ? Aucune réponse ne lui vint. Au lieu de cela le froid mordant de l'eau en pleine nuit le poussa à se hisser sur le muret, ce qu'il fit aussi. À défaut de pouvoir savoir, il pouvait au moins faire.

Ca y est, il était enfin sur un sol stable. Des pavés. Trempé dans son espèce de chemise crasseuse et son pantalon de cuir qui l'était tout autant, il prêta plus attention aux choses autour de lui. Encore haletant d'avoir tant bu d'eau, il en était plié en deux mais ne pouvait s'empêcher de regarder les alentours. C'était une ville manifestement mais où était-ce ? Il ne se rappelait de rien. Il ne se rappelait même pas de quelque chose avant de s'être réveillé au fond de l'eau quelques instants plus tôt. Il se concentra et une seule chose dans sa tête résonna assez fort pour qu'il puisse s'en rappeler : Taddeo Monçada. C'était son nom, il en était sûr. C'était la seule chose, la seule.

Personne n'y échappe
Taddeo ouvrit les yeux. Il était dans une sorte de cagibi dans un entrepôt désaffecté. Lors de la première nuit où il s'était réveillé, il avait erré dans les rues, tel un croque-mitaine sans enfants à croquer, rôdant dans les coins les plus sombres. Tel un rat, il cherchait à se cacher. Il avait la hantise d'être trouvé par qui que ce soit. Instinctivement il savait qu'il devait se cacher, qu'il ne pouvait pas encore se montrer, que le monde ne le voulait pas encore tant que qu'il n'aurait pas fait quelque chose qu'il savait absolument devoir faire.

Il se leva de la paillasse de fortune qu'il s'était bricolé. Cela faisait deux nuits qu'il se réveillait. Il n'avait pas bougé de l'entrepôt, se déplacant à l'intérieur en âme en peine. Ce soir, il avait...faim. C'est la faim qui le poussa en dehors de son refuge de pierre, de bois et de l'odeur du vieux poisson pourri. Il passa par une fenêtre autrefois calfetrée et qui par ses bons soins était grande ouverte. Se retrouvant alors à nouveau dans la rue il huma. La ville charriait ses relents de puanteur. Cette eau qui ne bougeait pas sentait mauvais. Taddeo cracha par terre. Il n'aimait pas cet endroit. L'odeur l'insupportait. Il mit un pied devant l'autre, oui on appelle ca marcher, et commenca sa quête de nourriture.

C'est là qu'il se posa la question : que devait-il manger ? De la viande ? Oui il avait faim de viande. Une faim dévorante même si on considèrait l'effroyable vide qu'il ressentait dans son estomac. Cette faim le poussa à courir dans les rues, furtivement, évitant la lumière, reniflant partout là où il aurait pu se trouver...de la viande. Ce n'est que lorsque passa un homme qu'il sentit l'odeur. Une odeur douce, chargée des arômes de la chair, du sang, de la vie. Il en conclut donc que l'homme avait la viande sur lui. Sans doute en transportait-il ? Seulement pour l'avoir, il allait falloir la lui voler. Instinctivement, Taddeo sut comment faire pour procéder.

Il parcourait le quartier depuis assez d'heures pour se souvenir des allées, des rues et des petites ruelles. C'est en contournant les obstacles qu'il put se retrouver près de l'homme qui portait la viande. Caché derrière un tonneau dans une ruelle des moins éclairées, il appela l'homme. Un "À l'aide" faible mais suffisamment sonore pour qu'il soit entendu. L'homme prit peur. Cela Taddeo put le sentir. Mais vint après la curiosité, le besoin impérieux de savoir. L'homme se dirigea dans la ruelle, à tâtons, lâchant le légendaire "Qui va là ?" et s'approcha de plus en plus de la cachette de Taddeo. Celui-ci sentit un frisson de plaisir parcourir son dos et en hérisser chaque poil. Il y avait une certaine excitation dans son acte qu'il n'arrivait pas encore à expliquer. Toujours est-il que quand l'homme l'eut dépassé, il se leva et joua son entrée en scène. Il voulait le terrifier. L'homme dut sentir sa présence car il se retourna et tomba à la renverse.

- Qui..qui êtes vous ? Qu..qu'est-ce que vous me voulez ?

Taddeo sourit et répondit, d'une voix qu'il n'avait jamais entendue ou du moins dont il ne se rappelait pas.

- Je veux la viande que tu transportes. Donne la moi. J'ai trop faim, je vais mourir si je ne mange pas bientôt.

L'homme parut défaillir sous la peur.

- Je...je n'ai pas de viande ! Je n'en transporte pas, laissez moi tranquille, j'ai une famille !

Taddeo tomba de haut. L'homme n'avait pas de viande sur lui. Pourtant il la sentait. Elle émanait de lui, l'odeur de viande fraîche. Il comprit finalement d'où elle venait.

- Alors c'est toi la viande.

La suite fut confuse pour le jeune. Il se réveilla par dessus un tas sanguinolent de chair effroyablement malaxée comme si un géant s'était amusé avec une poupée de chair en la tordant dans tous les sens. Il se souvenait de sang, de cris mais surtout de satisfaction. La satisfaction d'avoir rempli son ventre, d'avoir fait ce qu'il fallait pour survivre. Il la ressentait encore et cela le fit sourire. Il avait chassé

Et maintenant...
Taddeo a passé un mois dans son quartier autour de l'entrepôt qui lui sert de refuge. Il s'est rendu compte qu'il pouvait également vivre de jour mais se retrouver au milieu de l'agitation de la foule lui était insupportable. La seule fois où il a tenté de se mêler au peuple, il a pris conscience de son statut de prédateur. Il voyait les gens en termes de dangers, de nourritures, d'adversaires. Il avait une vision bestiale du monde. Ce qui le forca à revenir dans son territoire de chasse. Au cours du mois passé, il a chassé et tué avec bestialité plus de dix personnes pour assouvir sa faim. Il se rendait compte également que quand il n'avait pas faim, il n'avait pas besoin de chasser. Donc il ne chassait pas et préférait alors passer ces nuits de jeûn à monter sur les toits et à regarder la lune. Elle le fascinait. Chaque nuit elle semblait changer. Plus le mois passait, plus elle grossissait. Il allait bientôt la voir comme il l'avait découverte : pleine. Cette nuit où il la verrait ainsi, il l'attendait impatiemment et cela viendrait bientôt. Et personne ne l'empêcherait de la voir. Personne.